Ecole buissonière

J'entre aux trois balais avec soulagement et me précipite à une table un peu en retrait. Voilà quatre heures que je me balade à travers les bois, la ville... J'aime bien l'hivers, mais sans manteau, il commencait à faire bigrement froid et l'ambiance chaleureuse combinée à l'âtre qui tourne à plein régime a tout pour plaire.

- Alors jeune fille... On est pas sencé être en cours?

J'affiche un sourire aussi malicieux dont j'ai le secret. Ce n'était pas comme si c'était ma première escapade qui se terminait ici.

- Bah, j'ai redoublé, alors les cours je les connais déjà...

Le barman hoche gentilment de la tête de droite à gauche avant de me demander.

- Tu prends comme d'habitude?

- Non. Aujourd'hui il fait un froid de cannard... Je serais partisante pour un chocoflamme et une part de gâteau...

Mmm rien qu'à y penser, je suis déjà sur mon nuage. Rien de tel que de cracher du feu pendant que les autres ont cours d'histoire de la magie...

Je me suis évadé du cours de divination, elle n'a même rien remarqué, la vieille chouette. Normal, j'ai un don assez exceptionnel pour me glisser hors des salles de cours, sans bruit. Et puis je suis sûr que même si elle m'avait vu, elle m'aurait laissé faire: elle est bien plus tranquille sans moi pour lui pourir la vie.
Je suis parti droit devant, sans but précis, à errer un peu comme une âme en peine. Je ne sais pas bien pourquoi d'ailleurs, ça me prend, parfois, des envies de liberté. Ca doit être dans mon code génétique.
Sans m'en apercevoir, je me suis dirigé vers les Trois balais. Comme quoi, on crois partir sans repère et si on n'y prend pas garde, au lieu de se perdre, on se retrouve. Les gens croient que c'est facile de se perdre, je sais d'expérience que c'est faux: on se retrouve toujours, et c'est ce qui est le plus déprimant. Je voulais me perdre, et me voilà aux trois balais.
J'entre, par habitude et je vais directement au bar:

-Un Wisky lance flamme.

Pas de bonjour, pas de s'il vous plait, ce genre de politesse, ça ne fait pas vraiment partie de mon vocabulaire. Je sens une présence et tourne la tête. Une jolie brune aux yeux dorés est assise à côté de moi. Je la connais, cette fille... Gryffondor. Dommage. Je prends mon wisky et me referme sur moi même, comme lorsque je suis entré. C'est quelque chose que je fais très bien, j'ai l'habitude.

Je suis tirée de ma rêverie par une impresion mitigée de froid puis de chaud. Le courrant d'air familier de la porte qu'on ouvre résonne étrangement avec la chaleur qui en suit. Mécaniquement, je tourne la tête. Deux mains encerclent un petit verre au liquide ambré qui chatoye d'une touche d'orangé plus proffond, plus rouge. Je me perd un instant dans la contemplation des volutes rouges avant de réaliser la nature du contenu du verre. Wow, celui qui boit ça n'a pas froid aux yeux... ou alors si, il a franchement froid.

L'étrange impression d'être observée me fait lever la tête pour reconnaitre une tignasse aile de corbeau familière. Ses yeux, une teinte étrange à mi chemin entre le vert et le brun, semblent perdus dans un autre monde auquel il a seul accès... Il me faut quelques secondes supplémentaire pour remettre le visage en contexte. Le capitaine de Serpentard.

Tiens, les 7è années de Serpentard ne sont pas sensés avoir cours? Il semblerait que je ne sois pas la seule à sécher... Ni à avoir froid d'ailleurs...

Il n'a pas l'air d'avoir envie de parler. C'est fascinant à quel point il donne l'impression d'être seul, de s'isoler dans cet endroit bondé. Tout, depuis les yeux inaccessibles jusqu'à sa position dresse une barrière entre lui et le monde. Spontanément, l'incipit d'un livre me vient en tête. "Love is as strong as death, as hard as Hell. Death separates the soul from the body, but love separates all things from the soul." Fort comme la mort, dur comme l'Enfer... fascinant et dangereux. Voilà ce qui émane de ce type, un savant mélange d'attirance impérieuse et de rejet viscéral...

Il faut que j'arrête de lire, ou de croire que la vie est un roman. Surtout arrêter de laisser mon cerveau se barrer en sucette à la moindre occasion. Retombant sur mes pieds, douloureusement, je décide, je me jette à l'eau, avec l'ambigüe soulagement que s'il ne tient pas à discutter, il pourra toujours faire semblant de ne pas m'avoir entendue.

- Salut, je tente doucment pour rompre graduellement le silence. Tu dois avoir l'estomac franchement solide pour ingurgiter ca...


hj: pour les non anglicistes (pardonnez moi ma sempiternelle affection pour la V.O.) "L'amour est fort comme la mort, dur comme l'Enfer. La mort sépare l'âme du corps, mais l'amour sépare toute chose de l'âme." c'est sur la première page de The Gargoyle par A.Davidson et vient d'un sermont du mystique allemand Meister Eckhart... ah je viens de me vendre, la VO VO est en allemand. désolée.

Je sens la chaleur du liquide dans ma gorge à mesure qu'il descend le long de ma trachée. Sensation plus qu'agréable. Je n'ai pas mangé depuis le matin, du coup, ça me réchauffe le ventre. Décidément, c'est ce qu'il me fallait. Le wisky lance flamme, ça remet d'applomb n'importe qui. Enfin moi, en tous cas, parce que je ne sais pas si je peux m'ériger en exemple universel... Je ne crois pas en fait, restons prudents. Loin, loin à côté de moi, je sens un regard posé sur moi. La brune de gryffondor. Malgré moi, je sors de cet isolement que je crée sans même y penser, depuis que je suis à l'école. Je ne sais pas, quelque chose m'empêche de rester de marbre, moi qui ne suis habituellement qu'un puits sans fond pour les yeux extérieurs. Je cultive cette image d'ailleurs, de celui qui est vide et n'est habité d'aucun sentiment hormis sa démence parce qu'en général, c'est vrai. Sauf en ce qui concerne le clan, ce qui finalement, concerne un groupe tout à fait réduit.
Sa voix finit de détruire ma forteresse "Salut. Tu dois avoir l'estomac franchement solide pour ingurgiter ça.".
Je me tourne vers elle, et réponds, mes yeux dans les siens (et je remarque par la même occasion que nos prunelles sont exactement de la même couleur dorée si rarissime):

-Le secret, c'est de boire ça le ventre vide. Sinon, c'est sans appel: tu vomis tout ce que tu avais dedans.

Par contre, après, il faut tenir l'alcool sinon... Mais c'est une autre histoire. Je continue, non pas par bravade, mais plutôt par étonnement:

-Les gryffondors aussi sèchent les cours...

Et je ne sais quel instinct habituellement très bien enfoui me pousse à dire:

-Snake Black.

Ce qui bien entendu, sous entend qu'elle ait envie de le savoir, ce qui n'est pas sûr du tout, à bien y regarder. Mais on ne peut rien contre l'instinct, et ce n'est pas moi qui vais dire le contraire!

hj: sublime cette citation! j'adore! et tu sais, on est ravis que tu mettes de la vo, ça enrichit considérablement le forum! ces références là, tu es la seule à les avoir et tout le monde en profite!

"Le secret, c'est de boire ça le ventre vide. Sinon, c'est sans appel: tu vomis tout ce que tu avais dedans. "

Je jette un oeil sans équivoque à la part de gâteau réduite de moitié . Pas de wisky pour moi... Ou en tout cas pas pour tout de suite. Je lui souris largement. Je n'y peux rien. D'aucuns diraient que je n'ait aucun instint de préservation ou que ma sempiternelle bonne humeur n'est que la rélfexion d'une absence d'introspection. Libre à eux. Après tout, qu'est-ce que le rire sinon un mécanisme de défence comme un autre? Poussé à l'extrème, c'est flippant, mais... je ne sais pas. C'est presque plus fort que moi. A quoi bon leurrer les gens quand on prend vraiment plaisir à leur compagnie? Et en l'occurence, dans le début d'une conversation.

"Les gryffondors aussi sèchent les cours... "

Rebelotte. Re sourire. A mi chemin entre le gêné et le mutin. D'un côté, ca me rassure. Il ne m'a pas ignorée ou ne s'est pas sauvé en courrant... ou pire.

"Snake Black."

Mon sourire se fait plus sérieux, moins désinvolte. Quelque chose, dans les harmoniques de sa voix, produit un phénomène inhabituel. Son nom vient presque se poser comme une invitation.
Ses yeux plantés dans les miens ne sont pas sans m'évoquer la chaleur. Le feu de son wisky. Même de mon chocolat. C'est curieux. Pas moyen de quitter ses prunelles.

- Erin Scott. Heureuse de faire ta connaissance.

Pour une fois, pas de duplicité dans ces mots répétés tant de fois. Juste de l'honêté. Simplement. Le temps semble s'arrêter, en suspend. J'hésite à me lever pour venir lui serrer la main. Pourquoi cette perspective me donne le tournis? Je ne peux tout de même pas apréhender parce qu'il est de Serpentard... J'ai assez hurlé sur les toits que cette rivalité ancestrale n'avait pas de sens. Pourquoi alors? Parce qu'il joue aussi au quidditch, et qu'il est, si je ne m'abuse, un joueur exceptionnel? Depuis quand je prend le sport à ce point au sérieux ? Non.

Je me lève et m'approche de lui. Assez pour que toute la salle ne profite pas de notre conversation, tout en prenant soin de m'arrêter à une distance raisonable. Avancer trop près serait une erreur. Non pas que sa proximité me derrange, mais j'ai le sentiment que faire un pas de trop reviendrait à franchir sans en avoir l'aurorisation le seuil d'un monde qui lui appartient à lui seul.

- Je n'ai pas beaucoup de mérite. J'ai déjà suivi les cours d'histoire de Binns l'année dernière. Alors je ne suis pas franchement tentée par une resucée. Et au delà de ça. On apprend beaucoup plus de chose à travers la campagne qu'en cours...

Pour me donner une contenance, je fais tourner ma tasse entre mes mains avant de me replonger dans ses iris.

- Et toi? A qui as-tu faussé compagnie ?


hj: merci beaucoup ^^ j'adore cette citation

Elle s'approche, en temps habituel, j'aurais menacé ou reculé. Mais elle, je la laisse s'approcher, et elle sait exactement où s'arrêter, comme si elle avait compris que la proximité avec les autres me révulse. Et visiblement, elle n'a pas peur de moi. C'est rare, je me donne assez de mal pour terrifier.

-Heureux aussi.

Et c'est vrai, je ne dis jamais ce genre de choses si elles sont fausses. Elle m'étonne cette fille, elle est insouciante on dirait. Et apparemment, elle se fiche comme de l'an 40 de l'ancienne rivalité qui déchire nos maisons. Et je me pends à sourire, moi! Je sais que d'habitude, je ne sais pas sourire aux autres, enfin, pas quand il s'agit de sourire vraiment. Les sourires ironiques, cruels, je sais. Pas les sourires de joie, en tous cas, pas pour ceux qui ne font pas partie du clan. Je ne sais pas si je dois continuer à sourire, je fais peur quand je souris en général...

-Ils t'ont fait redoubler, mais pourquoi?

C'est de la vraie curiosité, vraiment, elle m'intéresse, cette fille. Plus que de raison. Mais il faut croire que nous nous entendons bien...

-Moi? J'ai vidé le cours de la vieille chouette.

Je précise, au cas où:

-Divination. Ce cours est d'un mauvais, et d'un chiant. Même pour elle, c'est mieux que je sèche. Elle a un peu plus la paix. Disons qu'elle a une petite chance de retrouver toutes ses boules de cristal entières, sans moi... Quoique... C'est pas dit! Du coup, j'ai vagabondé au lieu de dormir, c'est mieux!

Je finis tout de même par demander, de plus en plus intrigué:

-Mais dis-moi, tu n'as pas peur? Je veux dire, toute seule face à un serpentard à la réputation de cinglé...

C'est dit. La balle est dans son camp. Je replonge mes yeux dans les siens. Elle me fascine, cette fille. Elle a un visage tellement expressif. Un peu mon contraire, en fait.

D'aucuns auraient trouvé la refelxion de Snake sur le cours de divination particulièrement mal à propos. "On ne parle pas de ses professeurs comme cela" sermonait la voix de la raison dans ma tête. De même, en théorie, s'en prendre aux biens de l'école était plutôt contre les règles... Mais je dois l'avouer, j'adore la façon dont il amène les choses. Il a certainement fait une faveur à la prof en désertant son cours. Et puis tout bien pesé, entre s'ennuyer ou saborder un cours et battre la campagne, le choix était vite fait. En tout cas en ce qui me concernait.

Il me sourit. Un sourire vrai, pas de ceux qu'on me sert pour me faire comprendre que j'en ai assez fait. Un sourire peu commun. Rare. Et comme le veut l'adage, ce qui est rare est cher.

- C'est donc toi qu'il faut remercier pour le manque de matiériel en divination! Ma parole, mais tu es un don du ciel! Bon, sans rigoler, et avec mes airs de ne pas y toucher, je te dois plus d'une fière chandelle... En tout cas, on est d'accord sur un point. C'est franchement mauvais. Chiant, tout dépend. Il y a des jours où elle fait dans l'originalité et où avec un peu d'effort on peut trouver cela divertissant... Mais ces jours là ne font pas légion. En ce qui concerne ma "deuxième sixième année", je crois qu'il m'est arrivé, de façon répétée et prolongée... de ne pas aller en cours. On ne peut pas vraiment appeler cela sécher... Sauf si on peut sécher le même cours deux mois de suite... Bref, j'ai cru comprendre qu'après un nombre d'absences trop répétées ou prolongées sur une trop grande période de temps, ce n'était pas franchement possible de passer dans la classe suppérieure.

Snake me regarde, intrigué. Flute. Avec ma facheuse tendance à parler à tort et à travers, je l'ai paumé, ou fatigué. Et puis, sortant de nulle part, la question tombe, comme un couperet. "sortant de nulle part", qui est-ce que je veux leurrer?

"Mais dis-moi, tu n'as pas peur? Je veux dire, toute seule face à un serpentard à la réputation de cinglé..."

Un chouilla plus sérieuse, je croise les bras le temps de reprendre mon souffle. Il y a des questions qu'on ne peut pas se permettre d'expédier à la légère. En temps normal, avec quelqu'un d'autre... et d'autres enjeux, je me serais contenté de lui retourner la question. Quelque chose m'incite à répondre sincèrement, et avec autant de clareté dont je suis capable.

- Je te concède une chose, c'est que as franchement le sens de la formule. En peu de mots, tu as résumé tout ce qui est sensé clocher dans une rencontre de ce type... J'avoue que je ne sais pas trop quoi répondre. Présentée comme cela, c'est sûr que la situation n'est pas forcément pour être très sécurisante pour moi... Mais personnellement, je ne vois pas les choses comme cela. Je me vois plus assise aux Trois Balais à discutter devant une boisson chaude avec un garçon que je connaissais de vue de très très loin et que je n'avais jamais vraiment rencontré. Et il se trouve qu'il s'apelle Snake Black et que comme moi il préfère passer l'après-midi à vagabonder plutôt qu'à moisir dans une salle de classe...

Je laisse la phrase en suspend quelques secondes, le regard dans le vide avant de continuer.

- En ce qui concerne ta "réputation de cinglé"... Ca ne me fait pas peur. Ca pourrait. Peut-être. Parce qu'un cinglé, c'est vague. Un cinglé c'est quoi? Un géni? un poète? un psychopate? Un cinglé c'est une porte ouverte sur une foule de possibilité. Pour être totalement honête, je ne peux pas vraiment me faire un avis. J'évite en général, et autant que je peux, de juger les gens par les on-dit... Donc pour résumer, parce que plus ca va, moins je suis claire. Non, Snake Black, je n'ai pas peur de toi.

Voilà je crois que tout est dit. Je lui sourit toujours. Pas une once de provocation. Juste une conclusion dont même mon esprit s'émerveille. En théorie, il devrait avoir raison. Je devrais être terrifiée, me sauver aussi loin que je le peux. Mais non. Ca n'a aucun sens, aucune logique. Bon, je ne suis ni sensée ni logique... Mais j'ai cette indefectible certitude en tête. Libre à lui de me prouver que j'ai foncièrement tort si ça lui chante. De toute façon, la vie est trop courte pour vivre avec des si.

Un don du ciel... Ces mots résonnent dans ma tête comme un clairon dans une lande déserte, un matin d'hiver. Don du ciel... Jamais je n'avais entendu cette expression pour me définir. Démon, malade mental, fou furieux, cinglé échappé de l'asile, futur résident d'Azkaban, digne petit neveu de Bellatrix Lestrange, ça oui. Mais don du ciel, jamais. C'est plutôt déconcertant. Je reste muet une seconde, avant de digérer l'information, puis je réponds, un sourire aux lèvres, cachant mon étonnement du mieux possible:

-Disons qu'il est possible que je me sois déchainé plus souvent que de raison sur le matériel pseudo-divinatoire. Et si en plus de me défouler, ça t'a permis d'éviter un énième cours sur comment découvrir que tu vas mourir dans une boule de cristal en verre, j'en suis fort aise. Je savais bien que c'était d'utilité publique. Même si, je vais être franc, ce n'est pas la raison première de mes actes.

Je hoche la tête lorsqu'elle m'explique pourquoi elle a redoublé. Hum, pas de bol. Une année de plus à Poudlard, non, merci! Je vais peut-être continuer à persécuter Trewalney alors... Enfin, pour moi, ce n'est pas au redoublement qu'ils pensent. Ce serait encore plus horrible pour eux que pour moi. Non, moi, ce qu'ils aimeraient, c'est me virer. Mais ils ne peuvent pas faire ça. Ou alors il faut vraiment un motif atroce,et je ne me fais jamais prendre la main dans le sac. Je sais qu'ils en meurent d'envie, de me faire vider les lieux. Mais ils savent qu'ils sont plus ou moins piégés, à cause de ma famille, du ministère de la magie aussi, qui verrait d'un mauvais oeil qu'un élève de Poudlard aille à la concurrence. Et ils savent bien que si tel était le cas, mon choix ne se dirigerait pas vers la France, bien entendu. Et ça, ça les dérange.
Je me suis laissé un peu abîmer dans mes pensées, et je reprends le cours de la réalité. Elle n'a pas peur, elle ose le dire, et pour la première fois sûrement de ma vie, je n'ai pas envie de la détromper. Etrange, parce que je me connais, j'ai un fort esprit de domination: je ne supporte pas qu'on ne plie pas devant moi, en général. Et d'ailleurs, ça arrive si peu, que quelqu'un me tienne tête! Je réponds à sa question, un peu mécaniquement. Je suis tellement habitué à l'entendre dans la bouche des autres, cette phrase, que c'est comme si elle ne voulait plus rien dire, comme si les mots avaient perdu leur sens:

-Un cinglé psychopate, échappé de l'asile.

On dit souvent que les étiquettes que l'on cole sur les gens les influencent, je ne sais pas dans quelle mesure c'estvrai, dans mon cas. Il y a du caractère bien sûr, mais peut-être pas que ça. On m'a toujours comparé à Bellatrix, quand j'étais enfant, et encore maintenant d'ailleurs. Je ne l'ai pas connue, mais je sais depuis que j'ai appris à parler que j'ai son rire, les expressiosn de sn visage, sa voix glaçante parfois et ses dons pour les sortilèges.

-J'aime ta façon d'expliquer les choses: un verre entre deux élèvs de Poudlard exédés par les cours. l'explication me va.

Pour dédramatiser un peu, je lance, un sourire en coin:

-Et moi non plus, je n'ai pas peur, Erin Scott. Et je ne crois pas, effectivement, que tu aies de quoi avoir peur.

Ne pas juger les gens sur leur apparence, de belles phrases dans la bouche des bien-pensants, en général. Mais elle, ça se voit, c'est vrai. La plupart des gns clament haut et fort qu'ils ne jugent que sur les actes. C'est faux, le délit de face, c'est plus que courant. Et le délit de nom, n'en parlons pas! Et encore, moi, ça va. Black, c'est aussi le nom de ce traitre à sa famille qui a trahi son clan. A la limite, à la lecture de mon nom, on hésite un peu avant de repousser le dossier. Mais Malefoy, ou Lestrange? Ils sont perdus d'avance, ceux là. Ils trainent un boulet qu'ils ne pourront jamais oter, même avec toute la gentillesse et la douceur du monde. Et là, je pense à Maléficia.

-Ces bases posées, tu t'intéresses à quoi, dans la vie, Erin?

Ce n'est pas qu'une question pour meubler la conversation, j'ai vraiment envie de mieux la connaitre. Ce qui est rare, si rare chez moi. Les autres ne m'intéressent pas, en général, s'ils ne sont pas du clan. Ils peuvent toujours essayer, pour moi, ils ne sont que des bouts de viande animés. Mais pas elle, elle, elle sort de la masse de tripes et de boyaux qui hante l'école.

Un léger haussement d'épaules m'échape à la mention de ce qu'on entend sous le terme cinglé à son encontre. Personnellement, je n'ai aucune bonne raison d'accorder un quelconque crédit à ça. Simplement parce que je ne vois pas de cinglé quand je le regarde. L'art de voir autrement, mes parents ont toujours appelé cela un don. J'en reste convaincue. Un don avec un revers de médaille, un sentiment d'aliénation qui se fait plus ou moins présent selon la compagnie dans laquelle je me trouve.

C'est cette sensibilité peu commune qui donne dans mon esprit une force particulière à sa réponse, que lui non plus n'a pas peur. Comme si lui aussi faisait un pas vers moi. Symboliquement. J'ai presque envie d'y voir l'établissement d'une certaine intimité. Ce n'est pas que moi qui avance jusqu'aux limites de sa bulle, c'est presque une acceptation de ma présence.

Des bases posée. C'était totalement ça. De bonnes bases, saines. Par contre la question qui suit me laisse pensive. Déjà parce qu'elle est aussi suprenante qu'inhabituelle. D'habitude, les gens me posent des questions moins larges, moins dirrectes, peut-être parce qu'ils savent que j'ai l'art de m'embrouiller... ou peut-être parce qu'ils n'ont pas forcément envie d'entendre la réponse. Ce qui n'empêche, me demander ce qui m'interresse, c'est un peu comme me demander de décrire un crépuscule ou de résumer un livre. Ca peut me prendre très longtemps... Bon, je me lance, totalement à l'aise dans l'ambiance chaleureuse qui s'établit de plus en plus.

- Je ne sais pas... Beaucoup de choses. Tout et rien à la fois. C'est assez problématique parce que chaque levé de soleil est suceptible de faire naitre une nouvelle lubie. D'une façon plus large, tout ce qui me donne l'occasion de voir le mondre autrement m'interresse. Et cela va des cours de métamorphose au quidditch en passant par la musique, les chaussettes à rayures, le feu et les errances silvestres...

Aussi longtemps que je reste libre. Libre de rêver, penser. Une liberté tout le temps spirituelle, de plus en plus physique. Le quidditch contribue beaucoup à la liberté du corps, mais ce ne m'empêche pas d'être attirée à l'extérieur comme un aimant de temps à autre. De façon irrépressible. Sentir qu'on peut "être" totalement, partout.

- Et toi? Quelles sont les choses qui te sont chères? Qui te font rêver?

Les questions affluent dans ma tête de façon anarchique et se bousculent. En choisir une seule est impossible. Je sens que ca va tourner à l'obsession. Comprendre, savoir qui se cache derrière les yeux ambrés couleur d'automne, la tignasse aile de corbeau et ce sourire naissant... Derrière ses mots qui semblent avoir un autre sens. Derrière les expressions de son visage. Il y a tellement de modes sur lesquels on peut se décliner. Les rêves, les aspirations, les atitudes, les regrets, les choses importantes... tout cela n'est qu'une fraction de ce qui fait qui nous sommes.

Je souris à l'évocation des chaussetess à rayures. C'est peu commun, cette fille a un sacré sens de l'humour. Et je reste là, comme mowgli fasciné par le serpent. Khaa, je crois... Et puis vient la question inverse. Qu'est-ce qui me plait, me fait rêver? J'ai bien une idée, la même que tout mon clan, mais si je le lui dis, nul doute qu'elle s'enfuira en courant et que je ne la reverrai plus jamais! J'essaye de me mettre dans la peau de quelqu'un de normal, et de découvrir ce que je veux, ce que j'aime derrière ce but ultime:

-Une chose est sûre, je n'aime pas les chaussettes à rayures!

Je souris. On ne va pas disserter sur les chaussettes, mais allez savoir, les seules que j'aime, ce sont les chaussettes noires ou blanches unies. Comme s'il me fallait de l'ordre et de la clareté là où, dans ma tête, ne règne qu'un profond chaos. On pourrait penser que les chaussettes, c'est juste accessoire, mais dans mon cas, je crois qu'elles révèlent bien ce que je suis: le produit d'une indescriptible et irréductible contradiction.
Je reprends:

- J'aime l'hiver, la neige, et les lacs gelés. J'aime le vent aussi.

Je voudrais lui expliquer pourquoi, mais comme souvent, les mots ne viennent pas, ils sont trop faibles pour dévoiler ce qui n'est que sensation. C'est l'un de mes problèmes, je crois, cette incapacité à parler des choses qui me touchent profondément. Mais c'est de famille...

-Je ferais tout pour mes amis, mon clan. Je crois que c'est ce qui est le plus important pour moi.

Pour faire moins solennel, j'ajoute:

- Et j'aime le quidditch, mais ça, tu étais déjà au courant! Et puis tant d'autres choses encore, sans queue ni tête: les serpents, les sombrals, les couchers et levers de soleil, la nuit, les ruelles pavées, les maisons abandonnées, les vieux meubles qui ont bien vécu, les couvertures en patchwork! Mais je crois que ça ne t'avance pas à grand chose, si, de savoir que j'aime les couvertures en patchwork...?

Je souris pour cacher ma gêne: je n'avais jamais dit ça à personne. Ce que j'aime, pour ceux qui me connaissent, ils le savent, pas besoin de mots. Et les autres n'ont jamais compté, sauf aujourd'hui... Je plonge dans mon wisky pour vérifier si la solution de mon problème ne se trouve pas au fond du verre...

J'écoute, patiente, attentive, émerveillée. Je bois la moindre de ses proles comme si c'était du petit lait. Non pas que j'ai jamais goûté du petit lait, mais on en fait un tel battage, ca doit forcément être sensationel... Snake détourne les yeux, pensif.

- Au contraire! On peut tirer beaucoup de choses d'une couverture en patchwork! A peu près autant que de chaussettes à rayures d'ailleurs... Parce qu'au bout du compte, si tu regardes bien, des chaussettes à rayures, c'est guère qu'une couverture en patchwork que tu portes autour des jambes... entre autre...

Je souris à son profil. Accumulation d'éléments disparates... Je ne crois pas. Une nette impression s'en dégage. Mettre un mot dessus serait trahir qui il est. On ne peut pas se résumer avec des mots. C'est trop réducteur. Une image qui m'intrigue s'accroche à moi, et elle m'échappe malgré moi.

- Les sombrals? Non, oublie ce que j'ai dit... Oui je t'ai vu jouer au quidditch. Tu es assez impressionant dans ton genre... Capitaine c'est ça?

Je me suis ravisée comme je pouvais. Le quidditch, c'était pas forcément le terrain le plus sûr pour continuer la conversation, mais c'était tout du moins le plus évident. Je me sens tellement à l'aise avec lui que j'ai oublié que l'on se connait à peine. Peut-être parce que j'ai l'impression que l'on se connait depuis des années... Foutue caboche. Les sombrals. Avec un minimum d'attention en cours de soin aux créatures magiques, ou de curiosité intellectuelle, on sait que seuls ceux qui ont vu la mort en face peuvent les voir. Mais de là à lui poser la question dirrectement, c'est franchement un manque de tact phénoménal, même pour moi.

Plus je l'écoute, plus je le regarde, plus je me dis que je fais bien de préter peu de crédit aux rumeurs et aux réputations. "Je ferais tout pour mes amis, mon clan." Ses mots résonnent dans ma tête. Echappé de l'asile... pff n'importe quoi.

Je n'avais jamais remarqué la ressemblance profonde entre les chaussettes à rayures et les couvertures en patchwork mais si on y regarde bien, c'est vrai que toutes les deux transmettent le même message: l'amour du mélange. Je délire...
Les sombrals lui ont fait de l'effet apparemment... Oui, c'est vrai, les sombrals on ne les voit que lorsque l'on a vu la mort, et ça effraie les gens, bien souvent. Je ne les en blâme pas, qui voudrait voir ces animaux, à ce prix-là? Mais c'est la première fois qui est dure, après, on s'habitue... La première fois je me souviens, c'était dans l'allée des embrumes, une soirée de novembre. J'avais dix ans, et c'était ma grande tante. Le baiser du détraqueur, au détour d'une ruelle... J'en fais encore des cauchemars, ça me hante, la nuit, et même lorsque je n'ai pas souvenir de mes rêves, je me réveille avec cette sensation de vide infinie, comme si je tombais à l'intérieur de moi... Mais je peux en parler, les mots ici encore ne sont que des codes, ils restent à la surface et ne veulent rien dire des sentiments qu'ils décrivent.

-Oui, les sombrals. J'ai vu ma grande tante mourir. Elle se cachait depuis qu'Harry Potter avait tué Voldemort, et ils l'ont retrouvée un jour, dans l'allée des embrumes. J'étais là, avec mon père, chez Crado et burk, j'ai tout vu. Ils n'ont même pas pris le temps de l'emmener à Azkaban pour la juger, elle a eu le droit au baiser du détraqueur puis ils l'ont décapitée, là, au milieu de la ruelle. Depuis, je vois les sombrals.

Et ensuite, d'autres morts, moins spectaculaires sûrement. Toutes les exécutions des anciens mangemorts de notre famille, et ça en faisait un paquet. Mon père a eu de la chance, personne n'a jamais rien pu prouver. Mais il s'en est fallu de peu qu'ils exterminent la famille entière, sans jugement. Chasse aux sorcières quand tu nous tiens. Des années sombres de terreur, de cachettes. Mais c'est fini maintenant, enfin, de leur côté. Du nôtre, jamais nous ne pourrons oublier.
J'enchaine sur le quidditch, pour me tirer de pensés plus que noires:

-Oui, je suis poursuiveur et capitaine de l'équipe de serpentard! Merci, j'apprécie le compliment! Disons que je me débrouille! Et à ce que j'ai vu, tu es douée aussi! Une fille batteuse, c'est rare! Tu joues vraiment comme une pro! Disons que tu en remontres à beaucoup de mecs baraqués qui occupent ton poste dans d'autres équipes!

Et c'est vrai, elle a un jeu de batte très juste, précis au millimètre. Et n'en déplaise aux bourrins de pouffys, c'est la précision qui fait tout, à la batte, la force vient ensuite.

- C'est attroce...

Les mots m'échappent dans un souffle. J'ai beau chercher, je n'ai pas d'autre mot pour qualifier la chose. Le baiser du détraqueur... brr... rien qu'à en parler, j'en ai des frissons. Tout le monde s'accorde à dire que c'est le pire châtiment du monde magique. On prend tout. On ne laisse rien. Rien du tout. Quel besoin avaient-ils de s'attaquer à son corps après ça? Peu importe l'âge qu'on a, on reste marqué à vie de ce genre d'événement. Foutue guerre, foutues rivalités.

- Je suis sincèrement désolée, Snake. Rien ne devrait pouvoir excuser une telle cruauté.

J'ai peur qu'il prenne ces mots pour une pitié mal placée. Mais je ne peux pas le laisser me raconter cela sans réagire. Personne ne devrait avoir à subir cela, ni à en être le témoin. Un propre membre de sa famille. Peu importe les crimes commis. On se prétend suppérieurs aux moldus, mais on agit franchement comme des animaux quand on le veut. Et dire que ce sont sur ces bases qu'on a construit notre "nouveau" monde sans Voldemort...

Du dos de la main, je repousse ma tasse de chocolat. Je ne crois pas pouvoir avaler quoi que ce soit de plus aujourd'hui. L'espace d'une seconde, je coule un regard d'envie sur le wisky de Snake. Même pas en rêve. J'ai l'estomac assez retourné pour en plus me donner en spectacle et lui filer un coup de pouce. Si je tapisse le parquet, le patron va me tuer. Ou me dénoncer auprès d'Ivann.

Le quidditch revient. Je saisi l'occasion. A froid ca peut paraitre un peu lâche de se rabbatre sur un sujet trivial en comparaison. Mais je suis soulagée d'avoir l'occasion de changer de sujet. C'est nul, je sais. Mais si je continue à psychoter sur la guerre et ses conséquences, je vais finir par avoir des paroles malheureuses en cours. Ca ne m'empêche pas de penser ce que je pense.

- C'est gentil. Venant d'un joueur comme toi, ca me touche. Comme tu dis, je suis une fille, alors je compense comme je peux. Et puis j'adore ça. C'est le genre de poste qui offre un exutoir satisfaisant à mon ageressivité. Je ne sais pas pour toi, mais je suis contente que la saison recommence. Ca fait du bien. Reprendre les entrainements aux aurores, les discours rasoirs d'Albus, les matchs, les cognards perdus... Tout ça m'a franchement manqué pendant les vacances!

Sauf peut-être l'apect guerre froide. Plus ça va, pire c'est.

Je hausse les épaules, oui, le meurtre, parce que sans jugement, j'ai beau être un monstre, moi j'appelle ça un meurtre! Oui, le meurtre de Bellatrix a du me marquer, c'est certain, mais au lieu de ressentir du dégoût, de la tristesse ou de la haine, plus simplement, je ne sens rien, rien qu'un vide profond et dans lequel je tombe parfois. Mais pas aujourd'hui, je ne peux pas rester prostré là pendant deux, voire trois jours ou une semaine. Je secoue la tête et finis mon verre, pour me réveiller de cet affreux vide qui saisit tout sur son passage. Merci d'enchainer sur le quidditch!

-Albus est rasoir de toutes façons, j'en étais déjà bien persuadé. C'est vai que les entrainements dans le froid du matin, ça me manquait aussi. Mais chez nous, pas de discours, tout le monde sait ce qu'il a à faire. Et sinon, j'engueule les troupes. Ca marche plutôt bien. Je tavouerais que je suis moins sur les nerfs, quand la saison de quidditch recommence, effectivement! Ca défoule. Et ça donne un but aussi, parce qu'il y a certains cours, vraiment, tu te demandes ce que tu peux bien y faire! Notamment la divination avec cette pauvre folle de Trewalney! "Black... Je vois, je vois... La MORT! Pauvre enfant, une mort attroce, dans un mois!" Et ce depuis le début de ma toute première année. Je suis toujours là. A croire que j'ai un ange gardien particulièrement efficace, vu le nombre de fois où je risque ma vie! Mais encore, si j'étais le seul, mais on dirait que c'est une façon d'animer le cours : alors alors, qui va mourir aujourd'hui? Plouf, plouf! Ce sera toi! Et c'est parti pour la semaine! Tu me diras, le cours d'Hagrid n'est pas franchement mieux, on ne fout rien! Les lutins de cornouailles, depuis le début de l'année! Tu y crois, toi? Franchement, il nous prend pour des imbéciles! Surtout que ce n'est pas pour ça qu'il y a moins d'accident.

Ok, les accidents, c'est souvent moi qui les provoque, mais je donne juste un tout petit coup de pouce aux événements. Pas besoin de faire grand chose, Hagrid est déjà une catastrophe ambulante!

Je souris largement. Ah cette bonne vieille Trelawney...

- Oui, surtout qu'en ce qui me concerne, les discours sont totlament supperflus. PAs besoin de motivations supplémentaire pour me donner à fond. Ca impressionne les deuxièmes années, point final. Et, ah, Trelawney... Depuis le temps qu'elle est au château, elle doit commencer à yoyoter de la crinière. Moi aussi j'ai eu le droit à sa prophétie de mort, premier cours, pareil... oui... sauf que ça m'a tellement mis les foies que ça m'a totalement fait psychoter. Je ne fais déjà pas beaucoup attention à ce qui se passe en général, mais là, j'étais tellement obnubilée par la façon dont j'allais mourir que j'ai faillit rater un escalier tournant et prendre un aller dirrecte de la tour de divination pour le rez-de chaussée par la voie des airs... Dieu soit loué je n'étais pas toute seule ! Albus, aussi rasoir qu'il soit, m'a réveillée à temps... Non, ses cours, je crois que je suis vaccinée. Je n'écoute plus vraiment et prie de toutes mes forces pour qu'elle m'oublie. Le seul point positif, c'est que quand je rentre d'une absence prolongée, je peux lui dire que je reviens de deux mois à l'hopital ou j'ai faillit mourir, et là j'ai le droit à un hochement compatissant de la tête à deux yeux larmoyants derrières ses culs de bouteille. Les lutins de Cornouailles tu dis? Même nous on a dépassé ça. C'est pas franchement normal, surtout que cela ne change pas les exigeances pour l'exam de fin d'année... Ce qui me rassures, c'est que chez vous aussi il y a des accidents. Pas plus tard que la semaine dernière je me suis faite mordre par une doxy. Saloperie de bestiolle à la noix. Ma main à décuplé de volume le temps que j'arrive à l'infirmerie... Après, il faut aimer vivre dangereusement. Pas moyen de se blesser avec le Binns... mais d'une année sur l'autre, l'histoire ne change pas, alors ça revêt peu d'intérêt. Surtout que moi, quand on me lit un livre d'une voix lente, monotone et sans pause, soit je m'endors, soit je rêve éveillée... Je préfère passez trois heures avec Hagrid qu'une demie heure en histoire de la magie. C'est cetain. Surtout qu'on ne va pas tarder à faire les hipogriffes, et là ça va devenir passionant.

Dangereux, mais passionant. Avec la chance que j'ai, je ferais mieux de réserver mon lit à Ste-Mangouste... ou à me tenir très très très très éloignée. Parce qu'on a jamais vu un bateur avec un bras en moins, et je ne suis pas fan des balafres qui vous arrachent un oeil. Mais quel animal facinant. Force, grace, brutalité et merveille tout à la fois. Un soupir rêveur m'échappe. Qui sait, peut-être que je pourais essayer de voler avec?

Je suis soulagé qu'elle comprenne. Etonnant, habituellement, je ne me préoccupe pas du tout de ce que les autres peuvent bien penser. Ca me passe au dessus du cigare, bien au dessus.

Je réponds, méprisant pour cette vieille folle:

-Je crois qu'elle a trouvé son diplôme dans un choco-grenouille, c'est la seule explication rationnelle. Elle fera comme le prof d'histoire, même après sa mort elle continuera à nous pourrir la vie!

Je souris:

-Une fois, je lui ai simulé ma mort en direct. Crois-le ou non, elle hurlait "je l'avais prédit, je l'avais prédit!" avec un enthousiasme délirant. Rien à faire que je sois en train de claquer! Quand je me suis relevé et que j'ai éclaté de rire, je ne te dis pas sa tête. Furieuse, mais surtout déçue. Ca fait plaisir. Je sais que je ne suis pas le plus sympathique des élèves mais elle aurait quand même pu avoir la décence de manifester un brin d'inquiétude. Tu me diras, ça a bien fait rire tout le monde. Ca nous a passé le temps, mine de rien! Evidemment, après, bureau du directeur. Il voulait me renvoyer mais quand je lui ai dit que c'était pour voir comment elle réagirait si ce qu'elle répétait inlassablement se réalisait, il a compris. Et c'est surtout quand je lui ai dit sa réaction que ça l'a convaincu de me garder. Il a du lui même se rendre compte que c'était plus qu'inconvenant, cette réaction. Et puis ça peut perturber, de s'entendre répéter inlassablement que tu vas mourir. Moi, j'ai la caboche déjà bien trop fêlée pour que ça fasse une fêlure de plus. Mais ton cas prouve bien que c'est une folle dangereuse! Ca peut faire des dégâts, ces allégations ridicules. Ces cours-là ne servent vraiment à rien.

Je me remet difficilement du fou rire qui m'a attrapé quand Snake m'a raconté son pseudo décès en dirrecte du cours de divination. Si seulement ça avait servit de leçon à Trelawney... C'est vrai que prédire la mort à tout va est passablement dangereux.

- Après, c'est vrai qu'il faut de tout pour faire un monde. Il y a des gens qui sont sensibles à la divination, d'autres qui en ont besoin et d'autres encore qui ont un vrai don. Personellement, je crois qu'on doit tous mourir un jour, alors autant nous laisser la suprise. Ce qui est domage, c'est que le jour ou elle fera une "vraie" prédiction personne ne l'écoute pas. Encore que... je ne crois pas vraiment aux prédictions. Tu imagines? Si dès notre naissance, toute notre vie serait tracée, écrite à l'encre noire sur les pages d'un livre? Ce serait soit déprimant, soit trop facile !

La prédestination, encore un concept à la noix qu'on a inventé pour cesser de réfléchir. Dans la lignée des "c'est pas de ma faute" et "c'est de famille", je crois que le "c'est écrit comme cela" est la cerise sur le gâteau. Alors que ce qui est beau dans la vie, c'est de pouvoir la redéfinir à chaque instant, à chaque moment et à volonté notre quotidien. Nos gestes, nos actions, nos pensées et nos intentions modèlent notre monde. Il suffit de trois fois rien pour faire changer le cours des choses.

- Je ne crois pas qu'on puisse dire que ça ne serve à rien non plus. Disons que ça ne sert pas à ce à quoi c'est sensé servir... Bref, au lieu de faire travailler notre troisième oeil, on fait travailler notre imagination. Sous toutes ses formes ! Ou ses sortilèges!

Là je pense bien évidemment à Snake faisant éclater les boules de pacotilles de la salle... Je ne sais pas, je me dis que ça doit être du plus bel effet toutes ses échardes de verre et de lumière qui jaillissent des quatre coins de la pièce en même temps en d'autant de reflets mutlicolores. Wow, si ça c'est vraiment passé comme cela, l'infirmière a du avoir du boulot... Une classe entière transformée en hérissons...

- Remarque, tu n'as plus trop à t'en faire. A la fin de l'année tu as fini. Tu passes les exam', et hop, débarrassé de la divination ! D'ailleurs, tu as des projets pour après?

Je hoche la tête:

-Je suis entièrement d'accord avec toi: je crois aussi que rien n'est écrit. C'est toi qui fais ta vie, toi et ton hérédité, il faut bien faire avec. Mais ceux qui se cachent derrière le destin le font par commodité, je suis de ton avis. C'est toi et toi seulement qui écris ton histoire. Tu choisis, conditionné par beaucoup de choses, mais au final, tu peux toujours décider de dire non. On peut tous dire non. Si tu dis oui, c'est qu'au fond, tu consens, même si tu ne le vois pas comme ça. Je vais prendre un exemple.Maléficia est née dans une famille d'allumés du cerveau, je ne critique pas, j'en fais partie, mais elle est différente. Elle n'agira jamais comme les autres membres de la famille.C'est vrai, depuis que je suis tout petit, tout le monde me dit que je suis comme ma grand tante, Bellatrix. Je lui ressemble, même dans des choses aussi futiles que le rire ou les expressions du visage. N'empêche que ce n'est pas pour ça que je suis un serpentard par exemple. C'est parce que mes choix font que je ne suis pas un ange. Je pourrais faire comme Maléficia. C'est possible, elle l'a fait.

Je réfléchis un instant: la question que je me pose n'est pas vraiment de savoir si j'ai choisi ou pas, c'est un fait, j'ai choisi. Non, la question qui m'occupe, c'est de savoir si j'aurais fait les mêmes choix, dans une autre famille, les Weasley ou les Potter par exemple. Pas sûr, pas sûr du tout... Je secoue la tête pour faire fuir le problème:

-Oui, l'année prochaine, je pars... Et tu sais, c'est marrant mais je ne sais pas si j'ai vraiment envie. Ca... Disons que ça ne m'enchante pas plus que ça...

En fait, ça m'angoisse carrément. Être jeté ainsi dans le monde... J'ai l'air comme ça, je sais bien, mais je ne suis pas sûr d'avoir la force d'affronter ce tournant... Heueusement, il y aura le clan. Mais voilà, précisément, je sais que l'année prochaine, je m'enfermerai au milieu des miens. Oh, pas vraiment, je sortirai, je travaillerai, je verrai du monde, mais derrière mon masque de fer, celui que je construis depuis mon enfance et qui sera terminé lorsque je quitterai cette école. Tous les Black, Lestrange et autres ont ce masque qui les rattache entre eux mais les coupe des autres, même lorsqu'ils sont juste à côté, physiquement parlant. Et je ne doute pas une seconde que c'est ce qui m'attends. Je le sais depuis toujours, tout simplement parce que je suis comme ça, froid et impénétrable. Mais ce n'est pas la même chose d'éloigner les autres par choix et de le faire de façon onconsciente, systématique. La preuve, c'est qu'en théorie, quand c'est un choix, il y a toujours de la place pour les élus (typiquement: Erin), quand c'est rentré en soi, il n'y a plus de place, même théorique. C'est clair dans mon esprit: il y a un avant, et un après. Mais ce n'est pas ce qu'elle veut savoir, ce qu'elle veut savoir, c'est si je me suis décidé pour une profession:

-Je voudrais entrer au ministère, comme ensorceleur. Tu sais, ce sont ceux qui font les sortilèges de protection et défont les sortilèges dangereux de certains objets. J'ai déjà des contacts, ça devrait se faire assez facilement.

Voilà, c'est un peu l'histoire de ma vie: le clan... Pas que ça me dérange, au contraire, j'adore, mais parce que c'est encore un choix de ma part, ce qui risque de ne pas durer...

hj: j'espère que la réflexion de Snake est compréhensible...

Bellatrix... Son nom a fait trembler le monde magique pendant des années. C'est vrai qu'en y regardant bien, il y a un air de famille. Mais bon, les seules références que j'aie sont les quelques portrait d'elle tirées de diverses coupures de presse étudiées vite fait en histoire. Pas de quoi en faire tout un char.

Une chose jaillit en mon cerveau au moment où il parle du fait qu'il n'est pas un ange. Un sourire amusé m'échappe tandis que je me perds de nouveau dans ses iris.

- Les moldus ont un homme, un philosophe je crois qui a écrit "l'homme n'est ni ange ni bête et le malheur veut que qui veut faire l'ange fait la bête".

J'évite d'en dire plus. Je ne sais pas. Pour moi, ça parle de soi. Une façon de lui dire que les anges ne sont pas les créatures les plus interressantes au monde. C'est ça qui fait la beauté de l'être humain, sorcier ou moldu. On est pas dirrigé par notre instinct uniquement. On a conscience de nos actes et en notre coeur peuvent se loger tous les paradoxes existant. On est guère qu'un magnifique et sublime champ de bataille.

- Maléficia tu dis... Ah oui! Je crois que je vois! Elle est chez Serdaigle, c'est ça? Elle fait partie de ta famille? Tu as l'air de beaucoup tenir à elle. Je dois dire que je n'ai pas encore eu l'occasion de beaucoup bavarder avec elle.

Toutes ces histoires de familles, j'ai du mal à m'y retrouver. Potter, Black, Weasley, Malfoy, Lestrange... autant de noms liés les uns aux autres de façon indefectible, comme un... un tricot ou un patchwork. Des noms qui ont marqué l'histoire et qui en portent les cicatrices. Quel bazar! Avec du recul, c'est à la fois fascinant de se dire que tous les sorciers dont les familles remontent à quelques années sont probablement liés par le sang. Flippant aussi.

- Ensorceleur, ca a l'air interressant... Un métier qui réserve des surprises... Bonnes et mauvaises d'ailleurs. Mais c'est le principe des surprises. Bon, après, si tu n'es vraiment pas tenté de quitter Poudlard tout de suite, tu peux toujours essayer de redoubler ! Ca offre des perspectives interressantes. Bon, au bout de dix ou quinze ans, on doit commencer à connaitre par coeur les cours du professeur Binns, mais au moins, les dissertations deviennent une formalité... Le tout, c'est de se décider à passer les exam et de partir avant de se trouver nez à nez avec ses propres enfants, parce que là, ca craind. D'un poin de vue extra-scolaire, ca permet de connaitre sur le bout des doigts le parc, la forêt interdite, les passages secrets en tout genre et les trois-quarts des livres de la bibliothèque... Wow, ça c'est une idée... Ou alors suggérer à Ivann d'allonger le cursus scolaire de quelques années...

Ca y est, je suis repartie sur le mode des élucubrations enthousiastes sans queue ni tête... Mais il n'y a pas à dire, je passerais bien quelques années de plus ici...

hj: oui, ça va, je gère. il faut avoir les yeux en face des trous c'est tout.^^

Je souris: c'est une idée, j'aimerais bien... Mais c'est impossible. Et un Black ne redouble pas. J'ai beau ne pas suivre en cours, sécher parfois, j'ai toujours de très bons résultats parce que je travaille comme un fou à côté, et que j'ai des facilités, soyons clairs. C'est l'honneur de la famille qui est en jeu. Un Black, c'est un élève indiscipliné mais très doué en magie. Point, c'est sa définition et c'est comme ça. Même Sirius Black, rayé de l'arbre, était comme ça, c'est dire si c'est un dogme puissant.
Je résume:

-Je crois que je vais devoir partir à la fin de l'année malheureusement. On ne redouble pas chez les Black...

Et puis c'est moins simple que ça: j'ai envie aussi de passer à autre chose. Mais j'ai peur aussi. Alors en règle générale, j'évite d'y penser... Me plonger dans les affres de mon esprit labyrinthique ne me fait jamais de bien. J'en ressors plus fébrile encore que d'habitude, et je fais n'importe quoi ensuite, sans vraiment m'en rendre compte. C'est un moyen de décharger la tension sûrement. Et après, ça me fait rire, jaune sûrement, parce que je me dis que si je me voyais d'un regard extérieur, je me trouverais cinglé. Parce que ce que je fais alors n'a aucune logique, aucune autre explication que celle que je viens de donner et que personne ne peut comprendre. Sauf moi, et encore, parfois, je ne comprends même plus. Et là, le mieux, c'est de m'enfermer dans le dortoir et de n'en sortir que quand c'est passé. Sinon, gare, je ne réponds vraiment plus de rien. Je préfère rester prostré que de me mettre à hurler de rage et à sauter sur tout ce qui bouge. Au moins, personne ne s'en rend compte. Sinon, je serais bon pour Sainte Mangouste. Quand j'étais petit, je faisais souvent ce genre de crises, je me mettais à hurler jusqu'à saigner de la gorge et ensuite je sautais sur le premier qui passait (pas ceux du clan, même dans mes instants de folie, ils restent et resteront toujours sacrés) et je lui tapais dessus de toutes mes forces, le mordais jusqu'au sang, et parfois pire... A quatre ans, j'avais déjà envoyé pas mal de moldus à l'hôpital. Heureusement que mon père connaît beaucoup, beaucoup de monde... Et puis j'ai réussi à passer ce stade, à cacher cette fureur dans la prostration la plus totale. Il n'y a que moi qui sais de quoi sont faits mes silences.

-Je crois que c'est le propre de tous, grandir, devenir adulte, ce n'est facile pour personne... Mais il faut en passer par là...

J'ai juste peur de ce que je vais devenir. Parfois, je me regarde de l'extérieur et je me dis que je risque de finir en bloc de béton armé. Et que ce ne sera pas forcément ce que j'aurais voulu, même si c'est ce que j'ai construit moi même avec application...

-On peut parler d'autre chose?

Je sens monter ces crises dont je suis le spécialiste, et il va falloir que je m'enferme vite si ça continue. Et je suis trop loin du dortoir, ça promet... Je me fais l'impression d'être un monstre parfois, Hulk, ou bien Mr Hyde...

-Il m'a semblé entendre des bruits de couloirs: tu es écossaise, non? Ca ne te fais bizarre d'être en Angleterre?

L'Ecosse. Rien de tel pour me faire rêver toute éveillée. Prononcer ce nom fait jaillir en moi des images enivrantes de grandes étendues, de lochs, de bruyère...

- Bizar... un petit peu. Enfin, c'est assez compliqué. Disons que le plus étrange aura été d'être arraché au lieu ou je vivais. Comment dire... Ici, à Poudlard, il y a des codes, des règles, des contraintes. On croit être libre de ses mouvements d'une manière générale, mais pas totalement. La vie en communauté impose des normes qu'il faut plus ou moins respecter. On ne peut pas agir comme on veut, il faut faire attention à tout, à ce que l'on dit, à ce qu'on fait... On est jamais seul. Ou tout du moins jamais seul comme j'aime. Le cadre est priviliégié, c'est certain, et encore heureux! Dans une ville comme Londres j'aurais dépéri en moins de quinze jours ! Trop de monde, trop de bruit, trop d'agressions... pas assez de place pour qui on est. Je n'ai pas grandit pour être préparée à de telles conditions. Tu vas peut-être trouver cela stupide, mais j'ai toujours considéré le lieu ou je vivais comme appartenant de façon étroite à qui je suis. J'ai passé des jours entiers à vagabonder dans les bois, les landes et les lochs, seule mais entière... A observer avec émerveillement chaque feuille, branche, rayon de soleil, à les écouter chuchotter, à déchifrer le message de leurs troncs rugeux ; à reconnaitre la magie qui réside au coeur des choses de façon naturelle. Comme si je n'étais vraiment moi qu'entourée par eux. Chez moi je suis libre. Mon corps, ma tête, tout fonctionne selon son bon vouloir. Ce n'est pas possible à Poudlard, enfin, pas quotidiennement. J'ai appris à m'y faire. De toute façon, je n'allais pas passer sept... maintenant huit ans malheureuse parce que je refuse de m'adapter. C'est ce changement là qui a été dur. Je ne suis pas un être particulièrment social, mais être ici, ça m'apprend...

Jusqu'à ce que je le vent m'emporte et que je disparaisse de la circulation, plus ou moins loin, pour retrouver la liberté de mon enfance. J'ai beau aimer, au bout du compte, vivre ici, il y a toujours un moment où autre chose m'apelle... et m'entraine.

- Ne plus parler ni entendre de gaëlique est étrange. Un peu comme si on avait changé la couleur des mots, ou plutôt comme si on avait réduit leur spectre. Le tartan aussi manque au paysage, mais rien de bien méchant. C'est plus de la nostalgie. Sans oublier mon l'accent n'a rien à voir avec le votre, même si parfois je le domestique. Bon, pas tout le temps, et heureusement!

J'imagine que ce n'est qu'un élément supplémentaire à ajouter à la longue liste qui me sépare des autres tout en vivant parmis eux. Je soupire et retrouve mon sourire. Parler de l'Ecosse... Je n'ai jamais exprimé ce que je ressentai à quiconque de cette façon. Des phrases sybillines par-ci par-là, oui, mais mettre en mots la façon dont je vois la vie, ma vie, jamais. Le simple exercice de trouver des mots à mettre sur les sentiments et les impressions est nouveau. Peut-être parce que jamais avant on ne m'avait posé la question...

-Je comprends ce sentiment de n'être jamais totalement bien là où tu es...

J'ajoute, pour moi même, à mi voix:

-Sauf que moi, c'est différent, je ne suis bien nulle part...

C'est une constatation qui m'occupe depuis quelques années. Un jour, j'ai compris que ce sentiment diffus qui m'habitait depuis toujours était une sorte de réserve, qui me préservait sûrement de la douleur, mais me coupait du bonheur. Je ne le déplore pas, on ne peut pas tout avoir, n'est-ce pas? Et je crois qu'il vaut mieux ne pas être totalement heureux plutôt que d'osciller constamment entre bonheur et malheur, espoir et désespoir.
De façon plus prosaïque, je me demande si je vais recommander un wisky... J'en aurais besoin certainement, mais après deux wisky lance-flamme, je ne suis plus très fréquentable. D'ordinaire ce n'est pas mon problème, mais là, il y a Erin. Et je ne veux pas devenir ingérable devant elle. Je repousse mon verre. Pas mon genre d'être raisonnable, mais le jeu en vaut la chandelle.

-Une bierre au beurre!

Le serveur me l'apporte illico: je suis un bon client. J'en bois une gorgée: fadasse. Ca manque d'alcool. Mais au moins, je suis sûr de ne pas finir fou furieux. Pas de risque avec la très faible dose d'alcool qu'il y a là dedans.

-Comment vous arrivez à boire ça? C'est douçâtre... Bah!

Je la repousse, dégoûté.

-Tu ne veux pas qu'on s'arrache d'ici?

Si je tire de la chaleur du fait qu'il me comprenne, l'ombre sur son visage m'attriste. Je ne suis pas certaine d'avoir compris chaque mot murmuré dans sa barbe, trop de bruit autour de nous, mais j'ai la sensation d'en avoir saisi la teneur. J'ai une envie absurde de passer ma main sur sa joue, d'effacer cette grise mine, non pas en l'ignorant mais en la guérissant... Je soupire. Moi et ma manie à vouloir que les gens que j'aime soient heureux...

- En même temps, après ce que tu viens de boire, je suis étonnée que tu aies encore des capacités gustatives... dis-je dans un rire à le voir grimacer dans un bierre au beurre.

Il veut sortir. Oui, pourquoi pas. Je n'ai plus froid de toute façon, et on ne va pas passer une si belle journée enfermés entre quatre murs. Et puis après ce que je viens de manger, j'ai bien besoin de me dégourdir les jambes et de m'aérere la tête. Je sais aussi qu'il ne va pas falloir trop tarder à rentrer... mais j'avoue que là tout de suite, je n'en ai pas vraiment envie. J'ai surtout envie de profiter de sa compagnie encore un peu.
Je me lève prestement, règle ma note au comptoir et salue le serveur.

- Bonne idée. Ca marche. Je te suis.

De toutes façons, j'ai très peu de qualités gustatives, quel que soit le moment de la journée, quoi que j'aie bu ou mangé. Alors forcément, si ce que je mange est trop fade, je ne sens même pas le goût.
Je pose la monnaie de ma commande sur la table et sors sans un regard au serveur.

-Alors, on va où?

hj: tu préfères aller où? sachant que c'est avant l'autre conversation qu'ils ont eue au lac

Hum, c'est moi qui choisi... Voyons voir. Un endroit où on serait tranquiles parce que je n'ai pas du tout envie de me prendre la tête... De préférence dehors...

- J'ai envie de marcher un peu... La forêt ça te dit? Je sais qu'en théorie on n'a pas le droit... mais bon, on a pas franchement le droit d'être ici non plus alors...

Cette idée m'arrache un ènième sourire. la Forêt Interdite... tellement interdite que j'adore m'y promener. Est-ce que ce sont les endroits "interdits" qui ont cet attrait?

hj: ça te va?