Suite d'Ecole buissonière.

On avait rejoint la forêt rapidement. L'air froid, les grands espaces, tout cela raffraichisait les idées. Une fois sous le couvert des arbres, je laissais mon pas se faire plus dansant, une oreille toujours sur la mélopée sortie du bruissement du vent dans les feuilles.

- J'adore cet endroit. Je crois que c'est l'un des endroits de Poudlard où je me sens le plus libre...

J'avais dit cela autant pour Snake que pour les arbres eux-mêmes. Comme si la flaterie pourait me fair entrer dans leurs bonnes grâces... ALors que bon, tout le monde sait que si on ne veut pas avoir trop de soucis dans la forêt, les arbres ne sont pas forcément les seuls à prendre dans le sens du poil...

- C'est juste domage de devoir risquer la colle à chaque fois... Mais va savoir, ça ne m'empêche jamais de revenir. Tu y viens souvent toi?

Il ne me l'a pas dit clairement, je sais, mais je ne sais pas... dans sa réponse à ma proposition aux Trois Balais, j'ai eu l'impression que ce lieu ne lui était pas étranger non plus. Alors au risque de paraitre tirer des conclusions hatives. Machinalement, j'attrape au vol une feuille de platane qui se décroche.

La forêt, elle m'attire, surtout parce qu'elle est interdite sûrement, mais pas seulement. Je crois que la forêt, c'est vraiment le seul endroit où l'on peut vraiment se retrouver seul face à soi même en restant cadré en soi tout de même. Les arbres et la végétation dense empêchent les pensées de vagabonder, ça retient tout en soi, et quand par hasard ça s'échappe, ça ricoche sur un arbre et ça re-rentre en soi... Il faut que j'arrête de penser comme ça, je délire... Je dois être le seul à qui ça fait ça, je suis cinglé, ils ont raison...

-J'adore la forêt. Et je crois que le fait qu'elle soit interdite et que, justment, on risque une heure de colle, la rend encore plus attrayante!

Je la vois attrapper la feuille au vol, je siffle:

-Tu n'es pas attrapeuse ni poursuiveuse pourtant!

Et je dis, sans me rendre compte que ça sort de ma bouche, sans passer ma pensée pa le filtre de ma réflexion:

-J'aimerais être un oiseau...

C'est vrai, mais ce n'est pas une raison pour le dire... j'ai l'impression que je me dévoile à Erin comme à aucun autre avant... Sauf le clan, mais le clan n'a pas besoin de mots. Ca me fait bizarre, de le dire... J'ai l'impression que je ne contrôle plus grand chose, ça m'inquiète. Pour un peu, je ferais comme ce cheval que j'ai vu ruer, lorsque j'étais petit, avant de se sauver en sautant par dessus un mur d'un mètre de haut...

Il a raison. Je ne sais pas vraiment si j'y viendrais aussi souvent si ce n'était pas si fermement interdit.

- Oui, c'est vrai que cela rend cet endroit encore plus précieux... encore plus magique. Comme si c'était un état qui se méritait.

Son sifflement me flatte. Je suis presque certaine que le rouge me monte aux joues et je le dissimule d'un sourire un peu conspirateur, un peu comme si je lui confiait quelque chose de secret. Faire corps avec le vent, avec les arbres, à tel point de pouvoir suivre leur progression avec précision était quelque chose que je faisais depuis toute petite. Suivre la feuille, devenir la feuille... Il n'y avait jamais vraiment eu de témoins.

- Disons que je suis pleine de ressources...

Mutliple? Peut-être. Différement moi-même, certainement. Peut-on être soi-même de plusieurs façons? J'en suis sûre. Aussi suprenant que cela puisse-t-être. "J'aimerais être un oiseau..." Ces mots me ramènent au sol. Snake, un oiseau... oui mais pas n'importe lequel. Les moineaux, les alouettes, les hirondelles, je passe tous les oiseaux en revue les placant mentalement en face de lui. Je le verrais plutôt comme un oiseaux grand, majesteux, puissant, avec ces mêmes yeux...

- Tu es un oiseau...

Ok, sorti de son contexte, ca peu paraitre absurde. Ou totalement déplacé...

- Enfin, je veux dire... à chaque fois que tu montes sur ton balais,

Je mime le balais en refermant mes deux poings devant moi,

- Tu te transforme en oiseau, d'une certaine façon. Tu t'envoles, monte en flèche et retombe en piqué

Là je saute dans les airs d'un tour sur moi même avant de retomber sur mes pieds.

- Rattrape le souaffle comme s'il était ta proie, et...

Je m'arrête soudainement dans un haussement d'épaules.

- Je pourrais filer la métaphore, mais je me trouve un peu à court d'images... désolée. J'ai une nette tendance à m'emporter quand je me sens bien, surtout ici dans mon élément. En général ça agace beaucoup. Ou fait fuir... ou les deux.

Malrgé moi, je vois plus Snake comme un oiseau avec des serres... Un aigle, oui un aigle pomarin ou un aigle royal... un aigle doré comme on en trouve par chez moi?
Je commence à me demander si la forêt était une bonne idée. Mon pauvre cerveau part encore plus en roue libre qu'à l'ordinaire. C'est épanouissant, mais un peu étrange de voir que tout le controle que j'exerce dessus à l'ordinaire part en fumée une fois possédée la le chant du vent, des feuilles, des oiseaux, et... d'autre chose?

- Et juste entre toi et moi, non pas que j'aie peur, mais tu as entendu quelque chose?

D'habitude, je fais plutôt à ce qui m'entoure quand je suis là. Et étant donné l'état de mes sens, je suis certainement entrain d'affabuler. Mais au cas où, je préfère vérifier.

hj: je sais, rien à voir, mais j'ai eu un retour de mon cours sur la Nature en tapant ça, sur le fait que chez Shakespeare la forêt est un lieu qui permet le retour du réprimé etc... et utiliser ce genre de chose ailleurs qu'à la fac... ca fait presque peur ^^

hj: mais oui, c'est ça! et je suis entièrement d'accord, la forêt (chez shakespeare sûrement et chez d'autres aussi!) c'est LE lieu libérateur, magique aussi et révélateur de l'être profond. Peut-être parce que les arbres nous impressionnent par leur taille et leur âge, la sagesse de la forêt! bref, on est dans le même délire, tout va bien!

Je tends l'oreille: le bruit du vent dans les feuilles mortes... Ca me fait penser au roi des aulnes, et si je me souviens bien, ça finit très mal... Je ne peux m'empêcher de réciter:

-Mein Vater, mein Vater und hörest du nicht, was Erlenkönig mir leise verspricht? - Sei ruhig bleib ruhig mein Kind! In dürren Blättern saüselt der Wind! (mon père, mon père et n'entends tu pas, ce que le roi des aulnes me promet à voix basse? Sois tranquille, reste tranquille mon fils, c'est le vent qui bruisse dans les feuilles mortes) Désolé, c'est sorti tout seul, il faut dire que l'ambiance s'y prête...

Je saute du coq à l'âne:

-Un oiseau sur balai, un aigle... Ou un vautour peut-être, oui, je crois aussi... C'est surtout pour ça que je fais du quidditch, le jeu en lui même... C'est bien moins intéressant que les sensations de vol.

Encore des mots qui sont sortis tous seuls... Misère, il faut que je m'arrête, sinon, je vais tout lui raconter. Pourquoi est-ce que j'ai autant de mal à m'arrêter de lui raconter ma vie? Et j'ajoute, doucement, comme un souffle de vent:

-Que tu t'emportes ne m'agace pas et ne me fera pas fuir, au contraire...

Et voilà, encore des mots qui m'ont échappé. Mon cerveau ne fait plus barrage, ça doit être l'air de la forêt... Les arbres font écran aux retenues habituelles et j'ai du mal à m'empêcher de dire ce que je pense. C'est libérateur peut-être
mais dangereux sûrement.

- Pour en revenir à ta question, je ne sais pas, peut-être que c'est le vent? Ou le roi des aulnes, c'est possible aussi...

Je l'écoute, et le regarde, l'espace d'un instant, débordante d'émerveillement. Les vers d'allemand, leur musicalité, son accent ... tout cela ne fait qu'ajouter à l'enchantement du carde.

- C'est magnifique... Tu parles allemand couramment?

Plus ça va, plus je me demande pourquoi je n'ai pas engagé le dialogue avec lui plus tôt. Il y a quelque chose chez lui. Et je ne lui fait pas peur quand je laisse libre court à tout ce que j'ai à l'intérieur. C'est... inhabituel. Un soulagement aussi. Parce qu'une fois lâchée dans la forêt, je ne suis plus capable de rien. Je suis de nouveau une gamine qui s'émerveille de voir les rayons du soleil sur la surface de l'eau.

- Je ne sais pas pourquoi, je crois que je préfèrerais que ce soit le vent... C'est qui le roi des aulnes? Enfin, je sais que ce qu'est un aulne, un roi aussi. Par contre, je n'ai jamais entendu parler du roi des aulnes. Tu l'as déjà rencontré?

Un arbre roi... Cela expliquerait beaucoup de choses. C'est tentant, imaginer une communauté d'arbres, capables de penser, agir, respirer...