Une arrivée attendue

- J'aime assez la métamorphose. C'est un domaine tellement vaste, et je crois que je ne suis pas si mauvaise que cela parce que ça me fascine, ça laisse assez de place à mon imagination...

Une deuxième septième année, là je suis impressionnée. Pour faire de la divination?

- C'est quoi, une spécialisation en divination que tu fais? C'est courageux! Moi, je t'avoue, je n'y comprend que très peu de choses. Et je ne savais pas que Firenz était une référence en la matière. Sûr que par rapport à Trelawney, il fait beaucoup plus le poids, ça même un amateur pourrait le voir... mais je ne savais pas qu'il était si bon. Tu veux devenir prof à ton tour?

C'est vrai que pour moi, la divination reste une heure de récréation intellectuelle... Alors qu'une personne a priori saine d'esprit décide d'en faire son métier, cela m'impressionne.

Je souris: c'est toujours la réflexion que font les gens: les étoiles = la divination. Mais dans mon cas, leur étude n'a rien à voir avec la divination, je suis un balourd indécrotable dans ce domaine! Mais je comprends la question, c'est vrai que certains sont spécialistes de la lecture d'avenir dans les étoiles:

-Non, je ne fais pas de divination, heureusement pour mes malheureuses victimes! J'étudie les étoiles, leur comportement magique, l'effet qu'elles ont sur les animaux, les plantes et les êtres magiques, les étoiles en elles-mêmes, leur composition, leur mouvement, leur durée de vie, leurs particularités... Je crois que s'il y avait bien une matière que je haissais, c'était la divination... Je suis plus science magique qu'élucubrations si tu vois ce que je veux dire!

Ce type qui discute avec Erin depuis tout à l'heure, je ne sais pas pourquoi, ça me hérisse. Un mec vaguement blond, grand et avec une chemise immonde défiant toute concurrence en matière de mauvais goût. Je n'ai rien de sociable et je ne fais jamais ce genre de choses, mais là tant pis, c'est trop insupportable, je me lance! Je m'approche, feignant un flegme qui m'est peu habituel, et dis:

-Erin? Salut... Tu as vu notre "nouveau prof de soins aux créatures magiques"?

Après le coup que je lui ai fait l'autre fois, j'avance sur des oeufs. Ca aussi, c'est inhabituel... D'habitude, je m'en moque comme de ma première chemise, qui, assurément, n'était pas la même que le bouseux qui tient la jambe à Erin. Je me tourne ostensiblement vers Erin, sans un regard au bellâtre.

C'est comme si Snake avait surgit entre Rémi et moi. Stupéfiée sur le coup, je ne sais pas trop comment réagir. Ce n'est pas comme si je m'étais donné en spectacle hier soir... Essuyer le mépris ou les reproches de mes amis, c'est déjà peu agréable, alors j'espère que Snake n'a pas une tripotée de reproches à me faire de son côté... Il a l'air... je ne sais pas... tendu.

- Salut Snake...

J'hésite. Erin ma belle, tu yoyotte encore de la crinière. Si Snake avait des reproches à te faire, il les aurais fait, il serait passé en t'ignorant, comme les autres... tu le saurais... ou pas, ou flute arrête de psychoter. Snake est loin d'être comme les autres. Et de toute façon, je n'ai pas envie de parler de ce qui s'est passé hier soir. Enfin...

- Le nouveau prof de soins aux... ?

De qui il parle? Le nouveau prof... Mais oui! Quelle patate! Le nouveau prof, la raison de tout le mystère de la matinée, la présence d'Ivann... Où donc est-ce que j'ai la tête? J'ai l'impression que ma tête serais plus rangée avec un sortilège de confusion. Ca promet. Colles en perspective pour la journée si je ne suis pas plus attentive. Je lui souris largement pour me faire pardonner de mon moment de flottement.

- Ah! Oui! Ca y est, j'y suis! Le nouveau prof de soin aux créatures magiques! Ted Lupin. Désolée, j'ai déconnecté. Moi je trouve cela chouette. Ca fait une nouvelle tête, du sang neuf à Poudlard. Et toi, tu en penses quoi?

Tien en parlant de sang neuf, j'avais presque oublié Rémi... J'ai franchement la tête en vrac. Je ferais mieux de retourner me coucher tout de suite. C'est tout moi, tête en l'air à en être aux limites de la politesse. Je reviens me placer entre les deux garçons de façon à ce qu'ils se fassent face pour faire les présentations.

- Ah au fait, Snake, je te présente Rémi. Il vient d'arriver du Canada et d'intégrer Serdaigle pour une deuxième septième anée. Rémi, voici Snake, en septième année à Serpentard.

Je suis bien élevé, ça doit être un défaut incurable chez moi. Alors malgré l'attitude plus que grossière du "Snake" en question (c'est serpent, en français, non? Ca lui va bien!) je le salue d'un léger signe de tête et me retourne vers Erin: comment une fille aussi sympa peut être amie avec ce type? Ca me sidère.

J'ignore superbement le mec qu'elle me présente, Ralphi, Rudy ou peu importe son prénom et réponds, tourant toujours le dos à l'inconnu:

-Du sang neuf? Laisse-moi rire... Encore un de la tribu Potter/Weasley. Ca me donne des hauts le coeur. Franchement, ça fait de plus en plus mafia, cette école...

La mafia, je n'ai rien contre, mais quand c'est celle des familles Black/Malefoy/Terry...

-De toutes façons, il ne sera jamais pire qu'Hagrid, le fils du loup garou. Quoi que... A la place d'un demi-géant on a un fils de loup garou, encore un autre sorcier dégénéré... On pourrait pas avoir des profs normaux? Des sorciers entiers?

J'ai jeté cette phrase comme un serpent son venin, et je le regrette un peu. Non que je ne pense pas ce que je viens de dire, c'est tout à fait mon opinion sur la question. Mais ça risque de choquer Erin, je le crains... Encore une occasion manquée de me taire. Il faudrait que je songe à me coudre la bouche, je parle trop.
Je sens le bellâtre qui s'agite dans mon dos: il ne doit pas être d'accord avec moi. S'il savait comme je m'en fiche. Choquer, c'est ce que je fais de mieux sur terre. Mais peut-être pas Erin...

J'écarquille des yeux ronds. C'est ce qu'on appelle une opinion faite dans la dentelle! Avec un peu de recul, je dois avouer que ça se vaut comme opinion... Je penserais quoi, moi, à sa place? Probablement la même chose. C'est probablement ce que me reprochait Albus hier. Si ça se trouve je suis dépourvue de sens moral... Je croise les bras sur ma poitrine, un sourire flottant sur mes lèvres.

- Une mafia? Tu n'exagèrerais pas un tout petit peu? D'accord, ils sont très... très nombreux, mais il ne sont pas non plus les seuls élèves de l'école. On est combien? Une centaine? Deux? Même là, ils ne représentent pas la majorité. C'est juste une grande famille... sous les feux de la rampe, d'accord. Après qu'on les aime ou pas, c'est une autre paire de manche...

Oui... Une autre paire de manche. Les goût et les couleurs, ça ne se discute pas de toute façon. C'est vrai que ça donne vraiment l'impression d'un clan. Mais les clans peuvent avoir du bon, oui, enfin, tant qu'on en fait partie. Parce que se savoir soutenu, c'est parfois mieux que de se sentir seul au monde, même si la dernière situation offre beaucoup plus de liberté.
Wow, il ne mâche pas ses mots ce matin. C'est moi où il est de méchante humeur? Je hausse les épaules.

- Perso, humain ou pas, tant que c'est un bon prof, ça m'est totalement égal. Des sorciers "entiers" comme tu dis, il y en a, et malgré tout ce qu'on pourra dire dans son dos, Trelawney est... une sorcière entière. Et pourtant, elle est complètement à l'ouest.

Je tente un sourire de connivence.

- J'attendrais de l'avoir eu en cours pour rendre mon jugement. Et puis... qui mieux qu'un "fils de loup" pour nous parler des créatures magiques?

Une fois encore, j'ai oublié Rémi. Je lui lance un regard rapide, juste pour vérifier s'il est encore là et m'excuser auprès de lui. Il n'a pas vraiment l'air à son aise... ll faut dire, le dos de Snake n'est pas forcément le côté le plus agréable de sa personalité... Ce n'est quand même pas à cause de lui que Snake est aussi tendu?

Mais quel abruti celui-là! Des sorciers entiers? Mais ça ne veut rien dire! Sauf dans sa tête de serpent visqueux apparemment. Si je reste, je vais déraper. Je préfère la fuite plutôt qu'un renvoi dès le premier jour:

-Quel pauvre mec tu fais!

Et je tourne les talons. Ce genre de compagnie, très peu pour moi, merci!

Faire fuir les gens, c'était déjà un don de naissance, mais je crois que je me suis vraiment amélioré de façon spectaculaire dans ce domaine. Qu'il parte, c'était tout ce que j'attendais de sa part. Et encore, il a été coriace! Je ne lui jette pas m^me un regard et continue, comme si rien ne s'était passé:

-Hum, si tu le dis... Mais en tous cas, moi, les membres du clan Potter and co, ça commence à me fatiguer sérieusement. Ils envahissent Poudlard comme la gangrène, et impossible de s'en débarrasser. Et les autres, qui ont réussi à survivre au milieu de l'infestation se plient devant.

Je sais qu'elle, elle ne se plie pas, et c'est vraiment l'une des seules. Son intervention dans la salle commune des gryff' a du lui coûter pas mal d'amis. Elle doit en baver, si je considère la table qui piaille et rigole autour de ce cher Potter. Ce mec me dégoûte. Il est TROP, trop tout, trop bruyant, trop frimeur, trop imbuvable, trop...

-Tu sais, c'est bien ce que tu as fait à la soirée, l'autre jour.

Je ne sais pas pourquoi j'ai parlé de ça, j'aurais sûrement mieux fait de me taire, si ça se trouve, maintenant, elle regrette, devant la pression du clan Potter...

Je regarde Rémi partir. Bien, comme dirait l'autre, ça, c'est fait... Je lui fait un petit signe de la main qu'il ne voit pas de toute façon. Tant pis. Snake Black, il faut qu'on travaille tes relations publiques... je plaisante intérieurement. Après tout, Snake est un grand garçon, il fait ce qu'il veut.

Ca m'étonne qu'il aborde la soirée. Vu les emmerdes que ça m'a apporté, je ne peux pas m'empêcher de me rembrunir. Pour donner le change, je laisse échapper un léger rire amer.

- Tu trouves? Tu es bien le seul à penser ça. Enfin, on ne va pas ressasser cette histoire cent-sept ans. C'est fait, c'est fait, et je ne reviendrai pas dessus. Sur la forme peut-être, mais surement pas sur le fond. Il ne faut pas exagérer non plus! Et puis cette histoire de maisons, ça me courre, tu n'imagines même pas !

Je me suis emportée malgré moi. Mais bon sang, il faut arrêter... Comme si nos parents n'avaient pas eu assez d'occasions beaucoup plus graves de se manger le nez, non, il faut que l'on en rajoute une couche... A croire que l'être humain, sorcier comme moldu ne s'épanouit que s'il a une raison d'empaler son voisin. Je lance un regard presque triste vers la table de Gryffondor avant de jeter un oeil rapide sur les Serpentard, les amis de Snake.

- A ton avis, ils le prendraient comment, tes amis, si tu faisais le même type d'esclandre? Enfin, on va oublier ça... Ca me rend chèvre et j'aime pas déprimer... On parle d'autre chose?

*Je regarde Erin et Snake avec amusement et irritation en même temps, une des centaines d'expressions qui n'a pas de nom dans la palette de dégradés entre les deux. Snake, mais que fait-il???? Je jette un regard un peu interloqué à Mélicendre, espérant que peut-être elle a la réponse. Il paraît que l'intuition est plus développée chez les femmes, c'est le moment de le vérifier!*

Je jette le même regard à Milo: je sais, j'ai remarqué aussi qu'il y avait un truc pas net chez Snake. Papoter tranquillement avec l'ennemi, ce n'est pas son truc d'habitude. A part un sortilège particulièrement puissant de confusion, je ne vois pas trop...
Je hausse les épaules:

-Aucune idée... Attends, je reviens.

J'ai un plan: franchement, c'est trop bizarre cette histoire. Je m'approche de Snake et Erin et, ignorant superbement Erin, j'interpelle Snake:

-Tu viens, Snake, on y va.

Hors de question qu'il reste avec cette gryff, quelles qu'en soient les raisons.

Je crois qu'Erin a sa réponse: les autres me prendraient pour un cinglé. Je crois que c'est bien l'avis de Mélicendres, elle vient me chercher comme on rattrappe un agneau égaré, avec douceur mais fermeté. Je ne peux pas ne pas la suivre, même si j'adorerais rester avec Erin. Je lui lance un petit sourire désolé sous le regard perplexe de Mélicendres et retourne à la table des serpentards...

Génial... Je comprends alors ce qu'a pu ressentir Rémi lorsque Snake est arrivé. Qui a dit que la vie est un manège? Je regarde Snake partir rejoindre ses amis avec un pincement au coeur. Au moins, je n'ai pas tout perdu, je quitte la grande salle avec un sourire. C'est déjà ça même si ça ne remplace pas sa présence.
Je soupire et décide de partir. Il me reste un gros sandwich, deux pommes et une énorme envie de prendre l'air. Le bord du lac fera parfaitement l'affaire pour ça.